COSTA RICA ET PANAMA

Extrait du tome XIV de la géographie universelle

1928

Nous avons volontairement reproduit tel que les particularismes orthographiques et grammaticaux des textes afin d’en préserver
la spécificité de l’époque…

        Il paraît désormais acquis que les deux républiques méridionales de l'Amérique centrale appartiennent à la môme unité structurale. Et la continuité des zones climatiques et végétales est tellement complète qu'on éprouve la plus grande difficulté à tracer une frontière rationnelle dans cet ensemble. Au reste la zone de contact est encore mal connue: la richesse prodigieuse de la végétation oppose à l'exploration les plus grands obstacles.

                                                                                                I. – RICHESSE ET VARIETE DU COSTA RICA

        Les limites du Costa Rica ont été tardivement fixées, et l'on ne saurait dire que leur trace écarte toutes les causes de conflit avec les Etats voisins. La ligne laborieusement établie du côté de Panama, après les arbitrages successifs du président Loubet et de la Cour suprême de Washington, peut encore être acceptée; les questions qui se posent de ce côté sont purement territoriales. Mais la frontière du côté du Nicaragua éloigne le Costa Rica de la rive méridionale du lac et du cours supérieur du rio San Juan, pour rejoindre seulement ce dernier à la hauteur de Custillo Viejo.
        Quoi qu'il en soit, entre ces limites, le Costa Rica ramasse plus de puissants contrastes qu'aucun autre pays de l'Amérique centrale, le Guatemala excepté. Contrastes d'altitude, d'abord, dus à l'élan avec lequel se dressent au-dessus des plaines les deux crêtes montagneuses, ossature du pays. Des llanos de Santa Clara, pour arriver au sommet de l'Irazu, cime principale de la Cordillère centrale, on gravit 3200 mètres en 28 kilomètres seulement, et le cerro Chirripo Grande, point culminant de la Cordillère de Talamanca, atteint 3 800 mètres à 45 kilomètres du rivage pacifique. Entre ces deux chaînes obliquement orientées par rapport à l'axe du pays, se creuse une dépression Est-Ouest où la ligne de partage des eaux passe à 1566 mètres : c'est un des traits géographiques essentiels de Costa Rica. Ainsi séparées, les chaînes du Nord ct celles du Sud s'opposent par leur structure et leurs aspects: celle du Nord, volcanique, couronnée de sommets d'où toute trace d’activité n'a pas disparu, celle du Sud, plus complexe, avec son manteau cristallin flanqué, de part el d'autre, par des couches sédimentaires plissées. Aucune symétrie, d'ailleurs, entre les deux versants de chacune de ces chaînes. Alors que l'une et l'autre tombent assez régulièrement du côté de la mer Caraïbe, au littoral uniforme, sauf dans le Sud-Est, la côte pacifique, au contraire, présente une al1ure moins simple. Dans le Sud du pays, sur le versant du Ci-rand Océan, une véritable chaîne calcaire littorale précède la Cordi11ère de Talamanca, et de plus, extérieurement à cette ride, les péninsules de Nicoya, de Osa, de la Punta Burica jalonnent peut-être le tracé d'un autre axe montagneux abîmé sous le Pacifique (fig. 27).
        A tous ces contrastes orographiques, se superposent les contrastes habituels dans le climat et la végétation, en rapport avec l'exposition. La composition même des flores aux différents étages présente des différences bien significatives.



1, Alluvions quaternaires ; 2, Basalte ; 3, Cendres volcaniques ; 4, Tertiaires (Oligocène ?) ; 5 ,Calcaire (Crétacé) ; 6, Granits et diorites. – Le profil 1 va de San Juan au Pacifique par l’Irazu ; le profil 2 est perpendiculaire à la ligne de partage des eaux, à travers le plateau central ; le profil 3 montre la structure des provinces méridionales. Ils sont tracés d’après la carte de PITTIER ; indications géologiques, d’après SAPPER, passim. Les couches sédimentaires sont indiquées comme plissées. La figuration donnée ici n’a qu’une valeur d’indication pour le Crétacé. On n’a pas indiqué de pendage pour le Tertiaire.
        Le monde végétal des hauts sommets comprend, à côté de ses éléments endémiques, des espèces qui lui assignent d'étroites relations avec les plateaux mexicains ; la forêt des pentes caraïbes a toutes ses affinités avec la Colombie et le Venezuela ; la flore des pentes pacifiques au contraire s'apparente à celle de Panama.
        Richesse et variété sont les traits les plus sensibles de la nature costaricienne.
Sans doute, les contrastes physiques passés en revue n'expliquent-ils pas à eux seuls pourquoi, aux temps précolombiens, les groupes humains du Nord-est (Güetares) avaient une civilisation plus avancée que ceux du Sud; ils nous permettent de comprendre pourquoi aujourd'hui, malgré la remarquable stabilité politique du pays et ses progrès, subsistent des différences si accentuées dans la mise en valeur de ses diverses parties. Ces différences nous frapperont dans la description des régions naturelles.

                                                                                                II. - LES PLAINES DU NORD ET DE L'EST

        Des rives du lac de Nicaragua à l'embouchure du Tarire ou Sicsaola, court une bande de basses terres bien arrosées, revêtues de la même végétation puissante que les plaines orientales du Nicaragua. Elles reçoivent des précipitations abondantes, trois mètres d'eau et plus, réparties également dans l'année: trait commun d'importance.
        Elles se développent avec une ampleur particulière entre les premières pentes de la chaîne volcanique et le rio San Juan: elles mesurent de 40 à 50 kilomètres de profondeur sur 150 kilomètres de longueur. Le rio Frio, le San Car¬los, le Sarapiqui et leurs affluents ont nivelé ces vastes étendues. Des collines orientées Sud-Sud-Ouest - Nord-Nord-Est manifestent seules au-dessus de la pénéplaine, qui n'atteint pas 100 mètres, l'existence ancienne d'une ligne de partage des eaux entre les deux océans. Ces hauteurs sont, dans la région d'Ochoa et du rio Grande, les seuls vestiges d'une époque où le San Carlos servait de cours supérieur au San Juan. Un épais manteau d'argile résiduelle, formé sous l'action des pluies ct de la végétation, masque partout la roche en place, dépôts variés de I’ Oligocène ou terrains éruptifs. Les vallées sont les seules voies de pénétration à travers ces plaines d'accès difficile. Une végétation luxuriante garnit leurs rives. Sur les terrasses étagées au-dessus du lit encaissé du Sarapiqui, la forêt équatoriale étale sa richesse: palmiers pisangs, mimosas, acajous, bombacées revêtues de lianes et d'épiphytes. Et, dans l'épaisseur des bois, tout retentissants au matin des cris des perroquets innombrables, volent les colibris et les papillons aux couleurs éclatantes. Même magnificence sur les bords du rio Frio, voie royale du Guanacaste au lac de Nicaragua.
        L'homme ne trouble guère ces solitudes. Les forêts du rio Frio abritent encore quelques groupes épars d'Indiens Guatusos, lamentables vidimes de la misère et de la maladie qui déciment ce qu'a épargné la cruauté des chercheurs de caoutchouc nicaraguains. Leurs habitations communes ou Palenques, leur industrie très primitive, leurs mœurs, leurs conceptions religieuses en font un objet de curiosité pour les ethnographes. Les ressources de la forêt en bois précieux et en caoutchouc n'ont guère été exploitées jusqu'ici que d'une manière désordonnée. La réussite de quelques fincas de cacao, de canne à sucre, de caoutchouc sur le rio Frio el le Sarapiqui montre clairement où est l'avenir économique de ces plaines. La question des communications domine tout : l'établissement d'une ligne ferrée reliant Guapiles à Puerto Limon a fait de la partie orientale des llanos de Santa Clara un des districts bananiers prospères du Costa Rica.
        On passe insensiblement de ces llanos du Nord aux plaines alluviales de l'Atlantique, couvertes d'un inextricable lacis de canaux ct de rivières. Un léger affaissement du sol paraît avoir favorisé la formation de ces basses terres. Elles commencent au Nord par les llanos du Tortuguero et les basses plaines du Reventazon, du Pacuare et du Matina ; dans cette région, un canal presque continu bordé de palétuviers s'allonge en arrière du cordon littoral sablonneux. Au Sud du Matina, il ne subsiste plus qu'une droite bande alluviale au pied de la chaîne de collines tertiaires qui flanque la Cordillère de Talamanca. Mais les basses vallées, probablement grâce au même mouvement positif, ont été colmatées par des couches puissantes de sédiments. Le plus ample de ces bassins est celui du rio Tarire ou Sicsaola. Au Nord du Heventazon on ne trouve guère sur la plage que les huttes des pêcheurs de tortues. Mais, entre ce fleuve et la frontière méridionale, s'étend la grande région bananière du Costa Rica. . Les plantations de la United Fruit Company (1), qui a assaini la région, remontent jusqu'à Turrialba sur le Matina (621 m.), et à Sipurio sur le Sicsaola (68 m.). Si, dans le district du Matina, les terrains commencent à s'épuiser, les bananeraies donnent des rendements remarquables dans ceux d'Estrella et de Sicsaola. Cette région n'est pas moins propice à la culture du cacao: les plantations du Matina, florissantes au XVIIIème siècle, ruinées plus tard par les Mosquitos, connaissent un regain de fortune. Abrité par un saillant du littoral, a grandi tardivement le principal port du Costa Rica, Puerto Limon C'est à la fois l'entrepôt de toute la grande région bananière et le débouché du haut pays: la grande ligne interocéanique y aboutit et, en même temps, le riche réseau de voies qui desservent les plantations de Guapiles, de Turrialba, du Matina, du rio Banana. Bien outillé, bien pourvu d'eau saine, il fait les quatre cinquièmes du commerce du pays (A et B).


A. - UNE BANANERAIE AU COSTA RICA.

B. - EMBARQUEMENT DE RÉGIMES DE BANANES (COSTA RICA)


                                                                                                III. – LES MONTAGNES

        Les hautes régions du Costa Rica, encore recouvertes sur de vastes étendues par leur végétation primitive, constituent, dans leur ensemble, la partie la moins humanisée du pays. Il y a d'ailleurs à cet égard une différence sensible entre la chaîne du Nord et celle du Sud.
        La chaîne septentrionale, uniquement formée de roches éruptives, présente deux alignements distincts, séparés par une assez large dépression, voie naturelle entre le centre du Costa Rica et les hauts bassins du San Carlos et du rio Fria, entre San Hamon et les rives du lac de Nicaragua et du rio San Juan. L'aile occidentale, la Cordillère de Guanacaste, est la moins connue, bien que la moins élevée. Elle n'a que des sommets aux formes usées par une longue érosion. Sa végétation vigoureuse, forêts aux arbres moussus, buissons denses de myrtacées, atteste la cessation de toute activité éruptive depuis un temps déjà long. L'Orosi (1571 m.), avec son large cratère démantelé, le Rincon de la Vieja où fument des solfatares, le Miravalles, le Tenorio, avancé comme un bastion au-dessus du rio Frio, le cerro Pelado (720 m.) jalonnent cet alignement. Autrement puissants, les volcans de l'aile orientale ou Cordillère centrale. Ils ont été en activité pendant les temps historiques, à l'exception du Barba, au triple sommet (2898 m.). Si, dans le cratère le plus élevé du Paos (2 678 m.), dort un petit lac, une colonne de fumée sortit du cratère médian en janvier 1910 et monta jusqu'à 8 000 mètres. Mais rien n'atteint la grandeur des deux cimes maîtresses, l'Irazu et le Turrialba, assises sur un socle commun dont l'altitude approche de 2500 mètres. Du sommet de l'Irazu (3452 m.), le regard embrasse d'abord un paysage compliqué de cratères emboîtés et de volcans parasites. Plus loin, se découvre le plus impressionnant des panoramas: à l'Ouest, les riches plaines de San José, puis les rivages découpés du Pacifique; à l'Est, par delà des llanos couverts de forêts, où les fleuves dessinent un sinueux ruban d'argent, les flots de l'Atlantique. Le Turrialba, un peu moins haut (3342 m.), compte quatre cratères: l'un d'eux, en 1864, émit des cendres qui allèrent tomber sur Grecia (A).


A. - LE CRATÈRE DU POAS (COSTA RICA).


B. - VALLÉE DE REVENTAZON (COSTA RICA).
        Bien que des roches éruptives se rencontrent encore au Sud de la dépression principale, la chaîne rnéridionale n'a pas de volcans. L'altitude moyenne de cette Cordillère de Talamanca est d'ailleurs considérable; la crête ne descend pas au-dessous de 2 000 mètres. Le passage par où les Indiens Talamancas du versant atlantique entretiennent des relations commerciales avec les Borucas du versant pacifique est à 3 165 mètres. Cet abaissement de l’axe granitique de la Cordillère permet d'y distinguer à la rigueur deux parties : au Nord-Ouest, l'énorme empâtement que le cerro Chirripo Grande domine de ses : 3800 mètres; au Sud-Est, une sierra dont le pic principal, le Kamuk ou pico Blanco, n'atteint que 2 904 mètres. Division toute de commodité, la chaîne paraissant ininterrompue sur 160 kilomètres de longueur entre le plateau central et le cerro Pando.
        La forêt atlantique escalade les versants Nord-Est des deux chaînes. Mais, progressivement, la taille des végétaux diminue; les très grands arbres comme les acajous se cantonnent dans les gorges humides. Vers la limite supérieure, fougères arborescentes et palmiers d'espèces variées se multiplient. Puis viennent, à une altitude que règlent les circonstances locales, de magnifiques forêts où dominent des chênes, associés à des lauracées, au Cedrela odorata et à d'autres feuillus. Le sous-bois est luxuriant, et l'humidité favorise un riche développement des épiphytes. A 3 150 mètres, sur l'Irazu, les bois s'éclaircissent, puis s'arrêtent. Une végétation buissonnante haute de 2 mètres à 2 m. 50 les remplace, toute couverte d'épiphytes et de parasites. Dans les régions élevées, cette végétation forestière et arbustive est coupée de savanes herbeuses. Dans les hauts potreros du Turrialba établis aux stations plus sèches, les bouquets d'arbres donnent au paysage un aspect de parc. Sur les croupes de la Cordillère méridionale, les paramos sont parfois désolés, vastes espaces où règne une température déjà relativement rigoureuse et que redoutent les indigènes habitués à la tiédeur moite de la grande forêt ou aux chaleurs sèches du littoral pacifique. Peut-être est-ce pour cette raison qu'ils ont appelé cerro de la Muerte un des sommets de la chaîne. Cependant, ces hautes régions ont les avantages économiques des étages supérieurs de la tierra templada et ceux de la tierra fria. Sur les flancs de l'Irazu entre 2700 et 3000 mètres, on a pu établir d'excellents paturages - potreros - par des semis de plantes fourragères dans les essarts. Mais, dans l'épaisseur des forêts de la Cordillère méridionale, le voyageur ne trouve que de minuscules clairières où, dans des palenques circulaires, vivent des familles indiennes appartenant aux nombreuses tribus des Talamancas.

                                                                                                IV. - LE PLATEAU CENTRAL DU COSTA RICA

        Cette bande de hautes terres allongée entre la Cordillère centrale et celle de Talamanca, et dont l'axe coïncide peut-être avec une ligne de fracture, épanouie en haut plateau dans sa partie médiane, est une de ces régions fortunées qui, dans l'Amérique centrale, appellent le peuplement européen et semblent marquées pour devenir des foyers de vie politique à la fois par leur situation et par l'extrême diversité de leurs aptitudes. Celte vocation est peut-être encore plus sensible ici que sur le plateau guatemaltèque ou dans les dépressions salvadorienne et nicaraguaine. Passage entre deux océans, riche contrée agricole, c'est le cœur du pays le plus stable et le plus cohérent de l'Amérique centrale (fig. 28).

        Par la nature même de son sol et par son orientation, cette dépression se rattache surtout à la chaîne du Nord, d'où lui viennent la plus grande partie de ses eaux. Quelques pointements calcaires au voisinage du faîte de partage, une étroite bande de sédiments oligocènes au Sud de San Miguel révèlent l'enfoncement de la grande chaîne méridionale sous l'épaisseur des basaltes. Ceux-ci même disparaissent généralement, cachés par une énorme accumulation de cendres. Les vents du Nord-Est ont poussé ces produits légers lors des dernières, éruptions, et les eaux les ont plus ou moins remaniés : le sol du vaste bassin qui va de San José à San Ramon en est constitué et leur doit sa fertilité. Le remaniement s'est peut-être opéré au sein de nappes lacustres, car les couches de sédiments sont parfaitement régulières.
        Le climat et le dessin du réseau hydrographique accusent la concurrence des influences atlantiques et pacifiques.


FIG. 28. - Le plateau central de Costa Rica, d’après la carte de PITTIER
Altitudes : 1, De 0à 500 mètres ; 2, De 500 à 1500 mètres ; 3, De 1500 à 2500 mètres ; 4, Au-dessus de 2500 mètres. 5, Voies ferrées ; 6, Groupements. – Echelle, 1 : 800 000

Les vents d'entre Est et Nord-Est remontent, en partant de la mer Caraïbe, les pentes de la sierra de Talamanca et la vallée du Reventazon. Mais la plus grande partie du plateau se trouve soustraite à leur influence, abritée qu'elle est par la chaîne volcanique; elle subit le régime des vents saisonniers du Pacifique (vents de Sud-Ouest). Aussi la ligne de partage climatique est-elle à l'Est de la ligne de partage hydrographique. Lorsqu'on remonte le Reventazon jusqu'à Juan Vinas (1181 m.), on est dans le domaine des pluies persistantes à maximum d'hiver; mais à Cartago (1451 m.) et Agua Caliente, dans le même bassin, règnent des pluies de début d'été et d'automne avec des hivers secs, comme sur tous les versants pacifiques, C'est le régime du plateau de San José. A 1 160 mètres d'altitude, la période sèche s'étend sur cinq mois, de décembre à mars; c'est aussi la période moins chaude. En avril, commencent les pluies qui durent jusqu'en novembre, avec un minimum secondaire de juillet, à peine marqué. Leur arrivée ralentit, puis arrête la montée du thermomètre, en sorte qu'entre la moyenne du mois le plus chaud (mai) et celle du mois le plus froid (janvier), l'écart est seulement de 10,7, pour une moyenne annuelle de 19°,6. Les précipitations fournissent 1 984 millimètres par an. Elles se produisent chaque jour à heure fixe entre une heure et quatre heures du soir après une matinée sereine. La faiblesse relative des pluies sur le versant pacifique paraît avoir mis le rio Grande en état d'infériorité par rapport au Reventazon : la carte dressée par Pittier suggère l'hypothèse de captures au profit de ce dernier. D'autre part, la dissymétrie de son bassin paraît pouvoir s'expliquer par des considérations du même ordre (B).
        Un sol riche, une température remarquablement égale, des précipitations moins soutenues à travers l'année, autant de conditions favorables aux cultures tropicales et même déjà subtropicales, café, canne à sucre, maïs, tabac, agrumes. Elles sollicitaient l'effort des défricheurs. Aussi, ce haut plateau est-il profondément humanisé. Des forêts primitives, quelques lambeaux seulement subsistent le long des rivières, bosquets de bignonias, d’euphorbes, de myrtes et de mimosas réfugiés dans les gorges les moins accessibles. Au milieu de son enceinte de montagnes, le paysage rural séduit le voyageur. Des centaines d'haciendas encloses de verdure parsèment la campagne. Contre la dent du bétail, des haies où voisinent les yuccas, les agaves, les viornes et bien d'autres buissons, où fleurissent les passiflores et les clématites, où le ricin déploie ses larges feuilles, protègent plantations et jardins. La joie est partout répandue dans la pure lumière du matin. Les plantations de café, les cajciales, se succèdent sans arrêt de Juan Vinas sur les pentes du Turrialba à Naranjo et San Ramon au pied du Poas. Car cette région est le principal district caféier du Costa Rica. Toutes les autres cultures ont n'culé devant celle qui a fait la fortune du pays: on ra pratiquée jusqu'à l'épuisement du sol. Mais la terre retrouve vite sa fertilité quand on répare ses pertes. Aussi, malgré les menaces suspendues sur toute cette richesse, une population dense se presse-t-elle sur le plateau, oublieuse des désastres répétés, tremblements de terre, éruptions du Poas et de I'Irazu. On ne compte pas moins de quatre groupements urbains supérieurs il 5 000 habitants; dix kilomètres à peine séparent Heredia de San José, et il y en a douze de Heredia à Alajuela. Et une foule d'agglomérations plus petites s'égrènent comme les pierres d'un collier au pied des premières pentes (A et B).
        La capitale coloniale fut, sur le versant atlantique, à Cartago ; ni les vicissitudes de la politique, ni l' l'éruption de l'Irazu en 1841, ni la dernière secousse sismique en 1910 n'ont amené les hommes à en déserter le site. La capitale actuelle, San José (35 000 hab.), jouit d'ailleurs d'une plus heureuse situation. Placée sur le chemin transisthmique comme son ancienne rivale, elle est appelée à communiquer plus aisément avec les districts septentrionaux de la République par les passes de Palma, du Desengaño et de San Hamon. Seulement, la Cordillère de Talamanca gênera longtemps ses relations avec le Sud.

                                                                                                V.- LE VERSANT PACIFIQUE

        La disposition en bandes parallèles, qui caractérise le versant pacifique du Costa Rica, ne s'y manifeste pas partout avec une égale netteté. Dans la partie centrale, dont la structure est encore mal connue, entre le rio Grande ct le rio Savegre, la régularité de l'ordonnance s'altère. Une masse montagneuse, où le rio Parrita a creusé le bassin de San Marcos, isole les unes des autres les régions du golfe de Nicoya et celles du Golfo Dulce, Elle se rattache directement à la Cordillère de Talamanca. et fait front vers le Nord, sur la plaine de San José, par un pays de topographie très mûre, avec des gorges profondes et boisées, des pentes rapides, pays de marnes et de grès dominants, le cerro Candelaria. Au Nord et au Sud de cette apophyse montagneuse, nous aurons à décrire la même alternance de bandes déprimées ou ennoyées, et d'échines montagneuses allongées.


FIG. 29. - Le Guanacaste, d'après la carte de H. Pittier

Altitudes : 1, De 0 à 250 mètres ; 2, De 250 à 1 000 mètres ; 3, Au-dessus de 1 000 mètres. - 4, Exploitations minières ; 5, Haciendas et villages. - Echelle, 1 : 800 000.

        Dans le Nord, depuis l'Orosi jusqu'au petit massif de l’Aguacate, la chaîne volcanique domine sur environ 150 kilomètres de longueur un compartiment abaissé large de 35 à 40 kilomètres. Il n'est qu’à demi dégagé des eaux, et depuis un temps peu éloigné gr✠à l’accumulation des sédiments arrachés à la Cordillère. Ces alluvions quaternaires constituent la plaine en partie marécageuse qui s'ouvre au Nord-Ouest sur la baie de la Culebra, et s’enfonce au Sud-Est sous le golfe de Nicoya. Avant leur dépôt, la péninsule peut n'avoir été réunie au continent que par un isthme étroit. Le fleuve qui draine la dépression, le Tempisque, remonté sur une grande longueur par le flot de marée, bordé de palétuviers, conserve le caractère d'un bras de mer. De la basse plaine alluviale émergent les collines de Santa Catalina, toutes semblables aux îles du golfe de Nicoya, Chira et San Lucas: la dépression s'achemine vers le complet assèchement. Les oscillations du niveau, auxquelles doit être attribué l'isolement de la péninsule, ne représentent qu'un écho de mouvements plus anciens et peut être plus amples. A la faveur de ces mouvements s'est formée, sans doute au Miocène (?), comme au Nicaragua, une puissante série détritique à la surface nivelée par les érosions et aussi apparente sur la rive continentale que sur la rive péninsulaire du golfe. Des collines calcaires crétacées en émergent, isolant de la dépression la vallée où Nicoya est assise. Les dépôts tertiaires s'appuient à l'Ouest sur un territoire montagneux qui atteint jusqu'à 1 067 mètres d'altitude au cerro de San Blas et dont la nature est mal connue. On attribuait un grand rôle dans leur constitution aux diorites et aux diabases : tout cela a besoin d'être confirmé avant qu'on puisse donner de la péninsule et du golfe de Nicoya une description plus méthodique que celle qui vient d'être présentée (fig. 29).
        Sur le versant Ouest de la grande chaîne volcanique, les plaines du golfe de Nicoya forment le Guanacaste. Des savanes au fond des plaines, sur les pentes mieux arrosées de belles forêts riches en essences utiles et, faisant transition entre deux, des paysages analogues aux catingas du Brésil: cette région offre dans ses diverses parties une grande variété d'aspects et de vocations. Pâturages, bois, cultures tropicales des pays à saison sèche y trouvent leur place. Sur 550 800 têtes de bétail recensées en 192/1 dans le Costa Rica, 259 400 appartiennent au Guanacaste. Ces contrées, plus ouvertes que le versant atlantique, ont connu aux temps précolombiens un développement de civilisation assez avancé. Les fouilles opérées dans la péninsule de Nicoya ont confirmé le témoignage d'Oviedo sur les Indiens Güetares. La population actuelle du Guanacaste est assez mélangée, surtout dans la partie septentrionale. La province ne fut rattachée au Costa Rica qu'en 1820, et bien des traits rappellent encore l'origine nicaraguaine d'une par Lie de ses habitants. Évitant les basses plaines du Tempisque et du rio de Bebedero, les établissements se disposent selon deux lignes : l'une au revers de la chaîne principale de la péninsule, jalonnée par Filadelfia, Santa Cruz et Nicoya : l'autre au pied de la Cordillère volcanique. Dans cette dernière situation se trouvent Liberia, Bagaces, las Carras, las Juntas et Esparta. La riche minéralisation du pays éruptif dans sa partie méridionale a, de plus, favorisé le développement, à une altitude comprise entre 250 mètres et l 000 mètres, d'une ligne de groupements miniers. Tout le trafic de la province se concentre à Puntarenas où aboutit aussi la ligne des deux océans.
        A cause de leur position excentrique, les provinces pacifiques méridionales ont subi un long arrêt de développement. La partie la plus peuplée est cette dépression de près de 80 kilomètres, établie surtout dans les couches tendres du Tertiaire entre les granits de la Cordillère de Talamanca et les calcaires de la chaîne littorale. Le rio Diquis et son affluent, le rio Brus, coulent au fond parmi les hautes herbes de la savane parsemée de bouquets d'arbres. Au centre de cette plaine prospérait, au temps de la conquête, une race vigoureuse, intelligente et fière, aujourd'hui réduite à quelques centaines d'individus, les Borucas. L'élevage du bétail est aujourd'hui la principale richesse de la région. Mais les sols des pâturages naturels se prêteraient admirablement aux cultures : le tabac donne d'excellents produits autour de Buenos Aires.
        Au-devant de la chaîne littorale dont les sommets montent à 1698 mètres, les collines de la péninsule de Osa (641 m.) et celles de Burica (709 m.) paraissent représenter les restes d'un alignement montagneux à la structure inconnue. De la dépression intermédiaire, une partie reste noyée sous les eaux du Go1fo Du1ce, répétition, semble-t-il, du golfe de Nicoya. Le large pédoncule par lequel la péninsule de Osa se soude au continent est encombré de marécages, sillonné par les bras morts ct les dérivations du rio Diquis. La plaine alluviale du rio Coto, entre la péninsule de Burica et la terre ferme, est mieux asséchée. Ces terrains bas, où pousse spontanément le copayer, où prospère le cocotier, sont propices au cacao comme à la banane. Dans l'avenir, sans doute, ces districts méridionaux du Costa Rica tireront profit de leur voisinage du canal de Panama.

                                                                                                VI. - LES RESSOURCES DU COSTA RICA

        La partie vraiment humanisée de cette contrée n'en représente en somme qu'une assez faible proportion. L'activité colonisatrice s'est bien peu étendue au delà du plateau, et le plus grand nombre des 506 893 habitants attribués par les statistiques à l'ensemble du pays vit dans des limites assez étroites. Les conditions naturelles que nous avons retracées expliquent ce cantonnement, pour une part. Elles n'excluent cependant pas la possibilité d'un développement économique dans des régions aujourd'hui désertes ou peu habitées: on le voit bien par l'exemple de la côte du golfe et de ses plantations de bananes (2) (A et B). Les richesses forestières constituent une réserve magnifique dont la mise en valeur est subordonnée au développement des communications. Et, de même, l'élevage dans toute la partie Nord du pays a devant lui un bel avenir. Mais le Costa Rica, bien qu'il ait un réseau ferré près de trois fois plus étendu que celui du Nicaragua, est encore très insuffisamment desservi: s'il possède une ligne interocéanique de Puntarenas à Puerto Limon par San José, une grande partie de ses voies a été construite en vue de fins particulières.
        Malgré son outillage de transport encore rudimentaire, le Costa Rica se classe après le Guatemala par le chiffre de ses exportations, le Salvador venant à peu près au même rang. La nature des produits exportés est la même que dans les autres États de l'Amérique centrale: mais le chiffre des ventes par tête d'habitant est bien plus élevé (83, contre 33 au Guatemala). 11 ne suffit pas, pour expliquer cette situation, de se reporter aux conditions naturelles du plateau. On doit tenir compte aussi de l'exceptionnelle stabilité politique du pays. Aucune république Centre-américaine n'a connu une existence plus calme depuis l'Indépendance. Le contraste est particulièrement accusé avec le Nicaragua. Non que le Costa Rica n'ait eu des difficultés de frontières, soit du côté de Panama, soit du côté du San Juan. 11 y avait un intérêt vital pour lui à garder un libre accès aux rives du fleuve qui rassemble les eaux des provinces septentrionales. Mais, dans ses discussions avec ses voisins, il a marqué un goût très rare pour les solutions pacifiques. C'est une décision arbitrale de la Cour suprême de Washington (1858) qui avait fixé ses limites septentrionales, et c'est encore sur l'avis d'un arbitre, Je président de la République française, qu'il fondait ses justes prétentions du côté du Sud. Ce pacifisme et le calme de la politique intérieure ont été souvent remarqués. On les attribue d'ordinaire à l'homogénéité du groupe espagnol établi sur le haut plateau et à la pureté de son sang. La raison vaut ce qu'elle vaut. Il est peut-être plus intéressant de constater que le Costa Rica est, de tous les pays Centre américains, celui qui a fait l'effort le plus considérable pour le développement de l'enseignement à tous les degrés: c'est peut-être là le secret de sa prospérité.
        Malgré son vigoureux esprit national, le Costa Rica sent aussi peser sur lui assez lourdement l'influence Nord-américaine. La gène de ses finances l'a mis dans la main des banquiers, sa côte atlantique est le domaine de la United Fruit Company, qui possède aussi les sept neuvièmes des chemins de fer. Enfin, riverain du San Juan, il ne peut voir sans appréhension les projets des Etats-Unis touchant le futur canal.

1. Propriétés de United Fruit Company au Costa Rica (1924) : bananiers, 7112 hectares ; cocotiers, 701 hectares ; cacaoyers, 10743 hectares ; autres cultures, 1363 hectares ; pâturages, 2696 hectares.
2 . Les cultures se classent dans cet ordre, au point de vue de la superficie occupée: bananes, café, maïs, canne, tabac, haricots (1924).
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Mise à jour : avril 2012
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